En cette période de crise sanitaire, de nombreux textes légaux et réglementaires entrent en vigueur, notamment au sujet de l’exécution de contrats.
Quels sont vos droits en qualité de clients d’une prestation de service, de passagers en cas de voyages ou achats en ligne en période de coronavirus ?
Depuis le 17 mars 2020, les mesures de confinement imposées par le gouvernement et le virus qui frappe toute la France ont conduit de nombreux usagers à annuler leurs voyages, ainsi que leurs événements (festivités de mariage, de communions etc.).
Si le bon sens laisse à penser que les annulations d’évènements et de voyages génèreraient un remboursement partiel voire total de l’ensemble des frais, la réalité est toute autre en pratique.
Alors même que l’une des raisons qui entrainerait l’impossibilité pour un co-contractant d’exécuter ses obligations contractuelles est enseignée en première année de droit comme étant la force majeure, il apert qu’en ces temps de crise cette dernière n’est pas retenue… ou… sous conditions…
Comble pour le praticien du droit que nous sommes, nous avocats !
– Pour les voyages
Dans le cadre des efforts destinés à atténuer les répercussions économiques de la pandémie de coronavirus qui frappe la planète, la Commission européenne qui siège à Bruxelles a publié, le 18 mars 2020 des orientations ayant pour objet de garantir l’application cohérente des droits des passagers de l’UE dans l’ensemble de l’Union.
(https://ec.europa.eu/transport/sites/transport/files/legislation/c20201830.pdf)
Avant d’examiner dans les grandes lignes lesdites orientations, il est à remarquer que bien qu’il s’agisse d’un objectif louable, la disparité entre les différentes politiques des compagnies aériennes laisse à penser qu’il est difficilement atteint.
La Commission entendait, via ces orientations, contribuer à réduire les coûts/(coups) pour le secteur des transports qui subit frontalement le retentissement de la pandémie.
Il s’agit de l’ensemble des voyages quel que soit le moyen de transport choisi originellement.
La Commission définit d’« extraordinaires » les circonstances actuelles, ce qui laisse apercevoir que les dispositions de droit commun en matière de tourisme ne s’appliqueront pas, laissant place à des mesures dérogatoires.
Pour parfaire le champ juridique en la matière, une ordonnance en date du 25 mars 2020 – ordonnance 2020-315 vient modifier les conditions de remboursement des voyages.
Cette ordonnance met ainsi un dispositif dérogatoire au droit du tourisme qui est censé protéger à la fois les voyageurs que les professionnels.
Pourtant, si l’égalité devant la loi doit être garantie car elle est un principe fondateur de notre démocratie, il est à noter que par les temps qui courent ce sera « au petit bonheur la chance ».
En effet, les plateformes telles que TripAdvisor ou Expedia ne sont pas immatriculées sur le registre des opérateurs de voyages et séjours ; elles ne sont donc pas soumises aux dispositions du Code de tourisme ni à l’ordonnance du 25 mars.
Par conséquent, elles rembourseront en fonction de leurs propres politiques !
A la veille des vacances scolaires qui ont débuté le 4 avril dernier, les voyagistes français ont annoncé le 31 mars 2020 qu’il y aurait un report de tous les départs prévus jusqu’au 15 mai inclus (Syndicats des Tours Opérateurs).
Cela signifie que tous les acomptes versés pour un séjour en avril ne seront pas remboursés sauf si l’opérateur estime être assez riche pour rembourser ledit acompte.
A défaut, un avoir correspondant au montant de la somme versée (acompte ou totalité du voyage) sera émis au bénéfice du voyageur qui ne pourra refuser cette proposition.
Il est à noter que cet avoir a une durée de validité de 18 mois ; si un nouveau contrat n’est pas conclu dans ce délai, le voyageur sera intégralement remboursé, mais devra néanmoins patienter 18 mois.
En l’absence « d’agenda du virus », l’ordonnance du 25 mars 2020 vise la date de résolution des contrats conclus entre le 1er mars et le 15 septembre (comme date butoir).
Cette ordonnance s’applique non seulement aux voyages, mais également aux réservations d’hôtels et/ou locations de véhicules.
En résumé, il est possible d’être remboursé pour les annulations entre le 1er mars et le 15 septembre 2020, mais uniquement à l’issue du terme du délai de validité (18 mois) de l’avoir qui aura été émis par le voyagiste.
Quant à l’assurance « annulation de voyage » (qui serait utile en présence d’un vol « sec » car, en cas de forfait, un remboursement par le voyagiste est envisageable sur le fondement de l’article L. 211-14, II, du Code du tourisme), elle ne joue contractuellement que si l’assuré (ou un proche) est effectivement malade, non s’il annule son déplacement pour éviter une maladie.
Le particulier risque donc d’être déçu.
Il est à préciser que cette ordonnance ne s’applique pas à la SNCF qui dispose de sa propre politique de remboursement.
– Pour les prestations / les évènements
Peut-on considérer le Covid-19 comme étant un cas de force majeur ?
Selon l’article 1218 du code civil : « Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur »
En matière de maladie et/ou d’épidémies, la jurisprudence est plutôt dans le sens inverse de celui espéré.
Ainsi, le bacille de la peste (CA Paris, 25 sept. 1996, n° 1996/08159), les épidémies de grippe H1N1 en 2009(CA Basse-Terre, 17 déc. 2018, n° 17/00739), n’ont pas été jugés comme des crises sanitaires constitutives d’événements de force majeure.